Un échange sur le véganisme et le sport avec Sahy, championne de powerlifting

Sahyuri Lalime compte parmi les femmes les plus fortes de Belgique, et elle est végane. Elle a remporté le titre de championne nationale de powerlifting pour la troisième année consécutive, et participe également aux championnats du monde. Sahy nous a accordé un peu de temps entre deux entraînements pour nous parler de son parcours sportif.

Sahy championne végane de powerlifting

Tu es aujourd’hui championne belge de powerlifting et tu participes aux championnats mondiaux. Comment cette passion a-t-elle débuté ?

J’ai grandi en Amérique. Ce qui est drôle, c’est que je n’ai jamais été une enfant très sportive, jusqu’à ce que j’entame mes études à l’université. J’ai alors commencé à faire régulièrement du skateboard. Ce n’est qu’après avoir décroché mon premier emploi dans le secteur financier que j’ai ressenti le besoin de faire davantage d’exercice physique, pour parvenir à un équilibre sain entre ma vie professionnelle et ma vie privée. Un ami à moi, rencontré lors d’un concert de musique punk rock, m’a parlé de la « Punk Rope ». C’est grâce à ces leçons que j’ai eu le plaisir de découvrir le monde du fitness. Je faisais surtout de la corde à sauter et de la musculation. À partir de cette période, j’ai commencé à m’entraîner tous les jours. À chaque séance, j’augmentais les poids que je soulevais pour repousser mes limites. J’adorais le powerlifting et j’ai continué à m’améliorer. La prochaine étape de mon parcours était donc évidente : la participation aux concours. C’était il y a quatre ans environ.

Es-tu végane depuis le début de ta carrière sportive ?

J’étais déjà végane avant de commencer le powerlifting. Comme tous les powerlifters ou bodybuilders débutants, j’ai fait des recherches sur l’alimentation et les nutriments dont j’avais besoin à certains moments spécifiques durant mon entraînement. J’ai lu beaucoup de livres, suivi des cours de nutrition et consulté pas mal de blogs. Les informations que j’ai rassemblées formaient une bonne base qui m’a permis de me lancer comme coach personnelle.

As-tu des blogs intéressants à recommander sur le véganisme ou des livres que tu as appréciés ?

Pour être honnête, il existe peu d’informations sur la musculation avec une alimentation végétalienne, du moins c’était le cas quand j’ai moi-même commencé et que je faisais mes recherches. On trouve beaucoup d’informations sur les sports d’endurance et le véganisme, par exemple. Google était mon meilleur ami, et j’ai aussi beaucoup appris en écoutant le podcast « Stronger by Science », qui ne traite pas spécifiquement du véganisme, mais compte quelques épisodes qui y sont consacrés. J’écoute également « Iron Culture » et le « Rich Roll Podcast », présenté par un coureur d’endurance végane. J’ai aussi beaucoup apprécié ces livres : « Thrive » de Brendan Brazier, « Finding Ultra » de Rich Roll, « Eat & Run » de Scott Jurek et « Meat is for Pussies » de John Joseph. Il s’agit principalement de livres sur le sport d’endurance, mais que je recommanderais néanmoins.

Quand on pense musculation, on pense protéines. Comment s’assurer un bon apport en protéines avec un régime végétalien ?

Lorsqu’on fait du renforcement musculaire, on a besoin de davantage de protéines que les sportifs d’endurance, par exemple, même si les glucides constituent évidemment eux aussi une importante source d’énergie. Je fais au plus simple : chaque jour, je consomme 2 grammes de protéines par kilogramme de masse corporelle. Cette dose est vivement recommandée pour l’entraînement musculaire, même les jours de repos. Il est important de consommer une telle quantité de protéines pour favoriser votre récupération musculaire.

Pour s’assurer de consommer des protéines adéquates et en quantité suffisante avec un régime végétalien, il faut veiller tous les jours à combiner plusieurs sources de protéines à chaque repas. Par exemple, les haricots, les lentilles et autres forment un groupe de protéines, un deuxième groupe comprend le seitan, le tofu et le tempeh, et un troisième groupe se compose de céréales riches en fibres comme le riz complet, le quinoa ou l’épeautre. Le soja est lui aussi une très bonne source de protéines.

Je choisis consciemment de ne pas associer à la musculation un régime végétalien « whole food », car il est plus difficile d’ingérer suffisamment de protéines sans consommer trop de glucides, voire sans manger de trop grosses portions. Je pèse entre 66 et 67 kg et plus notre masse corporelle est élevée, plus nous devons manger. Je privilégie donc les aliments très nutritifs plutôt que de manger d’énormes portions.

Sahy

Consommes-tu des compléments alimentaires, comme de la poudre protéinée végane ?

Il n’y a rien à reprocher aux poudres protéinées, et elles sont très faciles à utiliser ! J’en ai déjà essayé plusieurs, notamment Vivo Life et Silverback protein. Elles contiennent les acides aminés essentiels et sont une source de protéines complète. Je me prépare un smoothie avec une poudre protéinée tous les matins et après mon entraînement.

J’utilise aussi un complément de vitamine B12, d’oméga 3 et de vitamine D, car nous n’avons pas beaucoup de soleil en Belgique. Après mon entraînement de musculation, je prends de la créatine, ainsi que du magnésium parfois le soir ou après un entraînement intense.

Je n’ai pas besoin d’un supplément de calcium. Je mange suffisamment de légumes-feuilles, de noix et de graines pour avoir un bon apport. Mes analyses sanguines, réalisées deux fois par an, n’indiquent aucun déficit.

Manges-tu aussi des substituts de viande ?

La plupart des substituts de viande contiennent beaucoup de sel. Je reste donc prudente. Je mange du tofu, du tempeh ou du seitan plusieurs fois par semaine. Il m’arrive une ou deux fois par semaine de manger un substitut de viande préparé.

Je mange principalement pour remplir ma réserve de carburant pour mes entraînements. Les substituts de viande sont rapides et faciles à préparer, mais je ne veux pas en dépendre, car ils sont très coûteux.

Qu’en est-il des graisses ?

Je n’évite pas les graisses. Elles sont nécessaires pour un bon fonctionnement hormonal. Je ne peux toutefois pas consommer trop de graisses, car je dois veiller à maintenir mon poids (étant donné que je participe à des compétitions dans une certaine catégorie de poids). Je mange régulièrement des noix, du beurre de cacahuètes, de l’avocat et de l’huile de cuisson. Les substituts de viande riches en graisses sont aussi intéressants pour moi, car ils me permettent de consommer suffisamment de graisses.

Quels sont selon toi les avantages d’un régime végétalien pour la musculation ?

Le mode de vie végane est, de manière générale, plus sain que le régime omnivore moyen, bien qu’il existe aussi des véganes qui mangent de la junk food (rires). Mais en général, les véganes mangent davantage de fruits et de légumes. Un point très important : un régime végétalien apporte davantage d’énergie, et les véganes ont probablement une meilleure capacité de récupération. La viande et les produits d’origine animale sont beaucoup plus lourds à digérer et obligent votre corps à consommer beaucoup d’énergie. Les véganes ont donc un atout majeur à ce niveau.

Quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite se lancer dans la musculation avec un régime végétalien ?

Il est important de définir une routine et de s’y tenir. Pour la musculation, la constance est essentielle. Si vous débutez en musculation, je vous recommande d’être encadré afin d’avoir un bon programme d’entraînement. Au début, il faudra attendre environ trois mois avant d’obtenir des résultats. Ce délai va dépendre de l’intensité et de la fréquence de vos entraînements. Quoi qu’il arrive, les débutants développent plus rapidement leur masse musculaire, c’est le phénomène appelé « beginner gains ». Après un temps, la masse musculaire augmente plus lentement, et il faut alors persévérer.

Si vous avez déjà de l’expérience en musculation et que vous n’êtes pas encore complètement végane, je vous recommande de remplacer progressivement certains ingrédients en vue de parvenir à un régime 100 % végétal à long terme. Vous aurez alors la possibilité de faire des choix plus sains. Pour les sportifs véganes pratiquant la musculation, les mêmes recommandations s’appliquent en ce qui concerne l’alimentation : tant que vous maintenez votre apport en protéines, pas de souci. Veillez à avoir un programme et à faire des recherches. Sans avoir les bonnes informations, vous ne mangerez pas les bons produits. Les mauvais résultats ne sont alors pas dus au régime végétalien en soi, mais à vos choix. Comme pour tous les sportifs, il est important de planifier ses repas et ses entraînements. Il existe des applis qui peuvent vous aider à le faire.

Sahy

As-tu rencontré des difficultés en tant que végane dans le monde du sport ?

Pas vraiment, mais j’ai dû franchir plusieurs étapes pour devenir complètement végane avant d’entamer ma carrière sportive. J’ai voulu devenir végane très tôt, mais j’ai eu du mal à le faire à cause de mon entourage. Lorsque je vivais encore à la maison, il était difficile pour moi de choisir ce que je mangeais. À l’université, je suis devenue végétarienne, et après avoir emménagé dans mon propre logement, j’ai pu choisir de devenir 100 % végane.

Je voulais surtout éviter d’imposer trop de contraintes à ma famille à cause de mes choix, et j’ai aussi ressenti beaucoup de pression de leur part. Dans notre famille, le régime végétalien n’était pas accepté, et je me suis souvent sentie coupable. Il y a sept ans, j’ai cessé de me forcer et décidé de devenir 100 % végane. Il s’agit pour moi d’un mode de vie : je choisis de ne consommer aucun produit d’origine animale et de n’acheter que des vêtements et des cosmétiques véganes, notamment.

Quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui vit, travaille ou partage des repas avec des personnes non véganes ?

Évoquez votre choix et votre mode de vie dès le départ, sans imposer vos idées à personne. Ne jugez pas les autres ! Chacun a sa propre histoire. Restez ouvert d’esprit et aidez les autres sans les juger. Par exemple, mon petit ami est français, et comme le veut le cliché, il adore le fromage. Quand nous nous sommes rencontrés, j’ai cru que j’allais vivre la même chose qu’avec ma famille. Chez eux, j’ai d’abord mangé végétarien, et plus tard, je me suis sentie suffisamment à l’aise pour ne plus m’inquiéter de ce qu’ils pensaient (rire). Ils me trouvent un peu bizarre, mais ils m’acceptent malgré tout. Les parents de mon petit ami disent eux aussi avoir diminué leur consommation de viande, ce qui est déjà un pas dans la bonne direction. On peut inspirer les gens et les encourager à modifier leurs habitudes sans être agressif pour autant. Mon ami lui-même est aujourd’hui principalement végane, et nous nous sommes mis d’accord pour n’utiliser aucun produit d’origine animale chez nous. Hormis cela, il fait ce qu’il veut. Je ne vais pas l’empêcher de vivre sa vie.

Lorsque vous êtes invité à manger chez quelqu’un, faites-lui part de vos préférences alimentaires à l’avance et apportez éventuellement vos propres produits, comme des saucisses, des burgers ou un bon dessert végane à partager. De nos jours, la plupart des gens sont ravis de faire l’effort de cuisiner un plat différent pour vous, comme une simple salade aux haricots.

Sahy championne végane de powerlifting

Plus d’informations sur Sahy, powerlifter végane

Sur Sahy

Sahy a déjà participé à plusieurs concours internationaux organisés par l’IPF International Powerlift Federation, et a également défendu les couleurs de la Belgique lors du championnat européen et mondial de powerlifting. Elle a remporté le titre de championne belge dans sa catégorie de poids pour la troisième année consécutive, et a également été championne féminine toutes catégories confondues.

Suivez-la sur Instagram et sur Kale and Barbell.

Inspiration sur le véganisme et le sport

Les principals sources d’inspiration de Sahy en ce qui concerne le véganisme, le sport et la cuisine :

Livres :

Animal Liberation de Peter Singer,
Omnivore’s Dilemma de Michael Pollan,
Eating Animals de Jonathan Safran Foer

Thrive de Brendan Brazier
Finding Ultra de Rich Roll
Eat & Run de Scott Jurek
Meat is for Pussies de John Joseph

Podcasts :

Live Life Aggressively de Mike Mahler
Stronger by Science,
Iron Culture
the Rich Roll Podcast

Blogs sur l’alimentation :

Oh She Glows,
Minimalist Baker,
No Meat Athlete
Livres de cuisine par la cheffe cuisinière Isa Chandra Moskowitz.